La ligne défensive des redoutes sur la Semois
Temps modernes
La Semois n’a jamais été une ligne fortifiée avant une époque récente et, si beaucoup de points forts tels que Bouillon, Herbeumont, Bertrix… se sont établis, la plupart ne sont cependant pas contemporains et répondent à des contextes historiques différents. Avec l’avènement de Louis XIV, les notions d’État et de frontières rendent nécessaire une défense globale du territoire, appuyée sur des lignes de forteresses. La France était défendue par la « Ligne Vauban » : une arrière-ligne allant de Gravelines au Rhin, une médiane de Dunkerque à Huningue par Dinant et, en avancée, une ligne de sécurité formée par des points d’appui reliés en lâche, de Nieuport à Hambourg en passant par Charleroi, Namur et Luxembourg.
En septembre 1688, la guerre d’Augsbourg éclate. Elle se terminera fin septembre 1697 par la Paix de Ryswick. La France doit abandonner le duché de Luxembourg et l’ancien comté de Chiny ; seule, donc, une partie de la Semois restera française.
Le 24 février 1697, Guillin, Ingénieur du Roi, remet un « Mémoire relatif à la carte des cours de la rivière de la Semoy depuis Arlon jusqu’à Bouillon » et en dresse une carte. Il y indique les emplacements de postes de guet établis ou à établir sur la rive gauche de la rivière en face des routes et des gués importants.
Cette première ligne fortifiée était destinée à couvrir la Champagne et faisait partie d’un triple verrou centré sur la Semois, la Chiers et la Meuse. Il existait, en effet, un grand espace vide de forteresses importantes entre Namur et Luxembourg. La Semois pouvait donc ainsi garantir la frontière nord de la France, en avant de la Meuse, avec Bouillon comme point d’appui.
Le 22 avril 1697, les fortifications sont établies complétant certaines déjà construites en 1690. Le 2 avril 1701, Cardon (lieutenant de la prévôté de Chiny) « envoye un état des postes et redoutes qui furent établis en 1697, le long des rivières de Semois, de Chiers et de Grune… ». Cela confirme ainsi la date de construction d’au moins une partie de la ligne et le rôle des redoutes.
Un ordre manuscrit (décembre 1706 – janvier 1707) donne dans l’ordre géographique les postes à pourvoir « … à raison de dix hommes par chacune redoute… » dans le secteur de la Semois compris entre Laval-Dieu, près de Monthermé et de la Meuse, et Martué, près de Florenville. Cette ligne renseigne ainsi 28 redoutes* sur la rivière : « … la valledieu, tournavio, tiliay, festavio, mambres, la foret, mozéve, halle, bonchabonru, Bonru, lespine, …, grand protin, la Sivie, parfonru, maltourné, noe, moulin dherbemont, Bravi, molu, Walan, Roblay chasse-pierre, lesche, Grea, pioubas… ».
Les hommes défendant ces redoutes étaient recrutés dans les villages des alentours par voie d’affiches.
Si certaines ne sont plus repérables dans le paysage actuel, la plupart de leurs dénominations sont cependant encore conservées dans la toponymie des localités ou sous forme de lieux-dits dans la campagne ou la forêt. Toutes ces redoutes ne furent pas construites. Il est probable que certaines d’entre elles restèrent à l’état de projet. Huit redoutes furent fouillées ou étudiées : la redoute de Bouche à Bonru (Alle), le Camp des Aleines Libehan (Hultai) (pas de document) (Bouillon), la redoute de Parfonru (pas de document) (Bouillon), la redoute de Nawés (Herbeumont), la redoute des Mauleûs (Sainte-Cécile), la redoute de Gréa (Azy/Chassepierre), la redoute de Florenville et la redoute du Moulin d’Herbeumont (Sainte-Cécile).
Texte résumé par I. Tellier. Fiche n° 93.23. Photos : A. Mattys et C. Hittelet. Pour en savoir plus : MATTHYS A., 1981. La redoute de Florenville. In : LAMBERT G., dir., Archéologie entre Semois et Chiers, cat. expo. du Musée Gaumais, octobre à décembre 1991, Virton, Musson, Florenville, Crédit Communal, p. 257-261.
* Dans l’article de la redoute du Chêne Caudron de Jean-Pierre Penisson, il cite un ordre manuscrit (1706-1707), référencé par Matthys, où 28 redoutes sont opérationnelles entre Monthermé et Florenville. Ces 28 redoutes font partie des 71 redoutes d’une ligne militaire sur la Semois installées de 1690 à 1697 depuis Arlon jusqu’à Monthermé (A. Matthys).
Ces 28 redoutes dans « La ligne défensive des redoutes sur la Semois » de la S.A.S. ont une orthographe spécifique et ne sont que 25.
Reprenons ces dénominations et replaçons-les sur la carte des Naudin, sur celle de Guillin et sur les endroits actuels :
Laval-Dieu, peut-être Château Regnault-Tournavio, Tournavaux pourrait être la redoute au-dessus d’Haulme-Tillay, Thilay en face la redoute du Chesne Chaudron Festavio, Fertaviau bois en aval de Bohan-Mambres, Membre-La foret, La Forest, Laforêt –Mozève, Mouzesve, Mouzaive avec Laspote Laviau – Halle, Alle, poste de la roche d’Alle – Bonchabonru, Bonchabonreus, embouchure du Bon ru en face du Ban de Laviot – Bonru, Bonreust, Les Croisettes ?? – Lespine, poste du gay de l’Epine, gué de l’Epine-Grand Protin, Gérard Protin à l’aval de Bouillon ?? – La Sivie, la sierye sur le champ vidot au proche de Bouillon (amont) poste de Lauwé ? non renseigné sur la carte de Guillin – Parfonru, Parfonreux, Parfond ru (Guillin) – Maltourné, Maltournée gué en aval de Cugnon (Guillin) – Noe, Noë gué en aval d’Herbeumont (Guillin) = en face du moulin des Nawés – moulin d’Herbeumont, moulin d’Arbeumont, en face du moulin d’Herbeumont gué (Guillin) – Bravi, Bravy deux postes possibles sur carte de Guillin, au gué près du pont moderne ou à Conques en face de l’Antrogne-Molu, Mouleu, dans le bois de Conques en face des Mauleûs (Guillin)- Walan, Vaillant, gué de Troyant ( ? ) en aval de Ste Cécile (Guillin) – Roblay, Robley, gué Rollet en amont de Ste Cécile (Guillin) – Chassepierre, Chaspierre, deux postes chez Guillin – Lesche, Laiche au gué du chesne (Guillin) – Gréa, Gréha, en amont d’Azy (Guillin) – Pioubas, Piouxbas, en face des forges de Piou bas (les épioux bas), les forges Roussel Guillin.
Il manque la redoute de Martué et du gué du Hité (Azy). De plus, le Han du Han et le Libehan ne sont pas pris en compte.
Eléments de réponses à différentes questions sur les redoutes de la Semois.
– La redoute du Han du Han. Michel Desbrière, auteur de « Chronique critique des lignes de défense de la Champagne septentrionale 1644-1748 », cite dans un « État des compagnies et détachements qui sont postés sur la rivière de Semoy (SHAT, A 1399, n° 116bis ) » le Han du Han où un détachement de Corbion composé de dix fusiliers et d’un sergent seraient postés. De là, à situer l’endroit exact au poste de la carte de Guillin (gué du ruisseau de Noirefontaine) ou alors au lieu-dit Camp du Han du Han, c’est une autre histoire.
– Si dans la fiche S.A.S., seulement 28 redoutes sont renseignées, cela ne doit pas être pris comme une affirmation péremptoire. De Arlon à Bouillon, il est renseigné déjà 54 postes et entre postes sans compter celui de la Sivie ou la syerie (la Platinerie ?) sur le champ Vidot au proche de Bouillon, non renseigné sur la carte de Guillin et qui pourrait être devenu le poste de l’Eauwez. De Bouillon jusqu’à l’embouchure de la Semois dans la Meuse, il aurait encore existé douze postes.
– Toujours dans la fiche S.A.S. « La ligne défensive des redoutes sur la Semois » : certaines orthographes de postes paraissent assez énigmatiques :
la Valledieu serait le poste de Château Regnault ; Tournavio celui de Haulmé ; Tillay celui du Chesne Chaudron ; Festavio celui du bois de Fertaviau (Bohan) ? ; grand protin serait celui de Gerard Protin (Bouillon) ? ….
Bibliographie : le livre de Desbrière et la fiche S.A.S (n° 93.23)
Sites repris dans cette ligne de défense avec des vestiges encore visibles.
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