La Semois
La Semois traverse le territoire wallon d’est en ouest passant par le Pays d’Arlon, la Gaume, l’ Ardenne belge et les Ardennes françaises. Sa longueur est de 198 km mais, à vol d’oiseau, elle n’est que de 80 km. La Semois eut diverses graphies au cours des siècles : en 644 : « Sesomiris »; en 950 : « Sesmarus », en 1104 : « Sesinoys »; en 1244 : « Semois », mais son étymologie est inconnue.
La Semois prend sa source à Arlon, à la jonction de la « Rue des Tanneurs » et de la « Rue Sonnetty » au lieu-dit « Laarkol », qui signifie « Fosse des Tanneurs ». Petit ruisseau, elle s’écoule lentement dans la vallée arlonaise largement ouverte.
Elle pénètre en Gaume par le village de Vance, entouré de marais tourbiers. Il compte une église avec sa tour romane et deux belles fermes-châteaux. Elle se poursuit vers Etalle où elle longe la « Grosse Tour », château médiéval du XIIIe siècle. Elle part ensuite vers les villages de Frénois et Les Bulles. A Jamoigne, la Semois longe le promontoire où est établie la superbe petite église romane.
La Semois entre en Ardenne, le temps d’un instant. Elle enserre l’éperon supportant la ville de Chiny, où était installée jadis l’importante seigneurie.
De retour en Gaume, elle arrive à Florenville où elle s’étale en un énorme méandre devant la troisième cuesta (côte) lorraine.
Elle entre ensuite définitivement en Ardenne au village de Sainte-Cécile. La rivière devient tourmentée, contourne les énormes masses rocheuses, s’enfonce dans les forêts sombres. Elle rencontre sur son passage plusieurs châteaux édifiés sur les hauteurs comme Herbeumont. Elle traverse de nombreux villages : Cugnon, Mortehan et ses maisons à portiques, Dohan. A Bouillon, elle magnifie le site du château fort. Ensuite Corbion et Poupehan, où les lavandières blanchissaient le linge de la classe aisée de Sedan. A Botassart et à Rochehaut, la Semois décrit le même méandre encerclant le « Tombeau du Géant ».
Pendant les mois d’été, comme autrefois, à Laforêt, un pont de claies permet la traversée de la rivière à pied sec. Il est construit avec des nattes de charme tressées et supportées par des tréteaux.
Dans cette région appelée la « Basse Semois », le XIXe siècle a vu se développer une culture particulière : celle du tabac. Elle fut introduite par Joseph Pierret.
Bohan est le dernier village belge sur le cours de la Semois. Une clouterie y employait au siècle dernier 50 % des habitants du village, soit 300 personnes. Les clous, forgés à partir de baguettes de fer de section carrée ou circulaire, étaient employés dans l’industrie de la chaussure.
La Semois passe la frontière et court se jeter dans la Meuse à Monthermé, en France.
Texte rédigé par I. Tellier. Fiche 92.15. Photos : G. Focant, I. Tellier et P. Gillet.
L'histoire géologique de la Semois, d'Arlon à Bohan
La Semois prend sa source et s’écoule en Gaume, en région calcaire, datant de l’époque Jurassique (entre 200 et 140 millions d’années). A partir de Chiny, en région ardennaise, sa vallée est incisée dans le socle d’âge Primaire, le Dévonien inférieur (entre 408 et 390 millions d’années), de niveau Lochkovien en Basse-Semois et Praguien en Moyenne-Semois. Ce socle est composé principalement de schistes, d’ardoises, de quarzites et de grès, que l’on observe sur les différents affleurements rocheux.
Au Dévonien, un continent montagneux plus ancien (datant de plus de 400 millions d’années) était progressivement envahi par une mer venant du Sud où se déposaient des sables, les futurs grès et quartzites, et les boues qui deviendraient schistes et ardoises, sous le poids de couches successives. En fin de dépôt, vers 300 millions d’années, ces couches et leur substrat calédonien ont été déformées par les plissements Hercyniens (Varisques) pincés entre les plaques Sud et Nord-Européennes. Ces collisions se font à des vitesses de 2 à 20 cm par an, pendant des millions d’années et progressivement, ont entrainé la formation de montagnes très élevées (l’Ardenne aurait pu atteindre une altitude allant jusque 4 à 5.000 mètres) qui ont commencé à s’éroder dès le début de leur soulèvement.
La Semois orientée ONO étire ses méandres en boucles allongées du nord vers le sud. Pourquoi ? La Semois s’est probablement formée dès le début du Tertiaire, il y a plus de 60 millions d’années. Les fleuves et rivières du nord de la Belgique se sont allongés pour suivre le recul des littoraux du Bassin de Paris en baie de Somme et de la Mer du Nord. Vers 30 millions d’années, une forte poussée Alpine a provoqué un bombement de l’Ardenne, caractérisé par un soulèvement plus rapide à l’Est. Le littoral ancien a donc reculé plus vite à l’Est qu’à l’Ouest et le cours aval des principaux fleuves, Escaut, Meuse et Rhin s’est incurvé pour suivre ce mouvement, en suivant leurs embouchures solidaires des mers en régression.
Le cours de la Semois, orienté au départ vers l’actuelle Baie de Somme, suivait probablement un littoral Tertiaire qui reculait dans cette direction. On retrouve la même orientation dans certains tronçons de rivières ardennaises comme la Lesse inférieure, l’Ourthe orientale, la Chiers, qui suivaient la pente générale de la topographie en étant solidaires du littoral du Nord du Bassin de Paris.
La plaine maritime qui se découvre durant une régression marine est constituée de couches subhorizontales récentes et peu indurées, donc de faible résistance à l’érosion verticale et horizontale. Les rivières peuvent de ce fait s’élargir et développer librement leurs méandres tout en approfondissant leur vallée par érosion verticale. Cela les amène à traverser des couches de plus en plus anciennes : en l’occurrence, le Tertiaire inférieur et peut-être même des lambeaux du Secondaire qui tous reposaient horizontalement en discordance sur le socle Primaire plissé. Une discordance angulaire correspond à une surface d’érosion de longue durée, à l’échelle géologique. Elle sépare deux ensembles, généralement sédimentaires, dont le plus jeune, quasi horizontal, a recouvert un socle ancien, plissé et érodé, parfois jusqu’à la pénéplanation.
Ensuite, par érosion verticale, la vallée a traversé cette surface de discordance et poursuivi son creusement dans des roches anciennes, plissées et autrement résistantes à l’érosion. Une telle rivière est appelée surimposée, parce qu’elle a commencé son évolution dans des roches tendres et subhorizontales situées au-dessus d’une discordance et a incisé ses méandres dans les couches plissées sous-jacentes.
En Gaume, l’élimination du Tertiaire a exhumé le substrat Jurassique sans atteindre toutefois la discordance post-hercynienne, raison pour laquelle en Gaume, la Semois méandre toujours dans une large vallée. En revanche, le socle ardennais, constitué de roches primaires (+ de 350 Ma) oppose une forte résistance à l’érosion et se marque par une vallée encaissée. La partie amont de la Semois, qui creuse des roches beaucoup moins consolidées du Jurassique (- de 140 Ma) ne peut donc qu’élargir sa vallée dont les versants s’éloignent rapidement.
Texte rédigé par Danièle Tellier (Cercle des Naturalistes de Belgique ASBL), Roches et Rochers de Semois, années 2010.
Tout ceci va conditionner la vie dans cette vallée et l’histoire qui en découlera, laissant bien des traces tout au long de ces millénaires. Vestiges que l’on va retrouver au travers des différents sites archéologiques.
La Semois en images
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